Voici un échange extrait du forum GONG qui ne manque pas d’intérêt :
“M : quelle est l’influence du poids du shaper sur ses shapes ? j’ai tendance à penser que le poids du shaper influence le shape de la board, rien ne remplace les sensations perso me semble-t-il ??
Patrice Guénolé : Pour commencer, ta remarque concerne surtout les shapeurs qui surfent leurs produits. Certains le font à haut niveau, d’autres à la cool. Dans tous les cas, ils utilisent beaucoup les retours d’expériences des utilisateurs.
Dès lors, je crois que la base du problème est de savoir comment le shapeur construit sa vision. Il peut être mauvais en surf et excellent shapeur s’il prete une attention particulière à la compréhension globale de son sport. Avec ça il peut voir ce que sera demain.
D’une manière générale, les shapeurs prennent un axe de travail et peinent à en sortir car c’est leur vision des choses. Souvent c’est très créatif et générateur de choses magnifiques. Parfois ça dérape et perd de son sens. Les belles idées sont souvent des trucs nazes une fois mis en application. Les recettes gagnantes sont souvent des attrapes couillons. Seule une vision très large mais détaillée à l’extreme du sport permet de produire des réponses pertinentes, polyvalentes, et durables.
Pour ce qui est du poids, je vais te donner un exemple. En SUP, les protos que je fais sont souvent trop gros. Pas de beaucoup mais juste assez pour être certain que ça flotte et de ne pas devoir en refaire un juste pour quelques litres manquants… Ce proto est testé et j’en tire des conclusions sur tous les différents paramêtres. Parfois celui ci amène à la création d’une planche de série. Dans le cas de la 6’6 Fatal Round, le proto fait 6 cm de plus en largeur que la planche de série. Les variations peuvent donc être importantes. On pousse le concept sur les protos et on adoucit pour la série.
Le poids du shapeur peut influencer sa vision. Quelqu’un de lourd préfèrera les choses solides, les appuis fermes, la puissance, ce dans beaucoup de domaines de sa vie mais aussi dans le shape. Je crois que c’est plus dans le ressenti des choses et le rapport au monde que le poids du shapeur intervient plutot que dans le test pur et dur des protos.
Enfin, je crois que le travail du shapeur est principalement de créer. Shaper ne fait pas le shapeur !!!
On peut avoir une très bonne patte et être une quiche totale. Le talent technique de la réalisation est très commun. Il n’y a qu’à aller dans les usines qui shapent à la main pour trouver des dizaines de shapeurs qui n’ont jamais vu la mer et qui shapent mieux que moi. Mais est ce que le shapeur est une main ou un cerveau ???
Pour ma part, je crois que le talent d’un shapeur réside dans sa capacité à apporter des solutions et faire évoluer le sport. Et cela se passe dans la tronche, pas dans les mains. Alors c’est certain qu’il faut un savoir faire technique pour donner vie à ses idées mais la force d’un shapeur n’est pas là.
Ceci est d’autant plus vrai avec le développement du shape numérique 3D. Il dispense totalement de connaissances techniques manuelles. En revanche, il coupe de tout contact palpable et donc il demande une intellectualisation totale du shape. C’est très complexe mais la créativité peut être décuplée quand on maitrise ces nouveaux outils.
Une fois le shape 3D réalisé, peu importe quelle main fera les finitions que la machine ne sait pas faire. N’importe quel gars peut le faire. Ce que n’importe quel gars ne peut pas faire c’est donner des côtes en 3D en sachant exactement pourquoi il le fait et ce que ça engendre !!!
Le métier de shapeur est bien pauvre. Pour gagner sa vie, il faut être partout. Hors c’est impossible. Il faut donc déléguer certaines taches et capitaliser sur sa créativité et surtout la faire connaitre au plus grand nombre.
Le temps du shapeur local est loin derrière nous, malheureusement. Cette vie ingrate, peu la veulent aujourd’hui et on les comprend.
Pour conclure, je crois qu’au delà de ce qu’est le shapeur, c’est avant tout ce qu’il a vécu, ce à quoi il aspire, et ce qu’il ressent du monde qui l’entoure, qui vont donner son savoir faire.
Seul le résultat compte.” L’Ours
Shaper : Patrice Guénolé et ses protos GONG et Drops.

Source : forum GONG SUP, stand up paddle en questions ;-)))